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Quelques utilisations des données gravimétriques

La géophysique concerne l’étude des caractéristiques physiques de la Terre, ou d’autres planètes, en utilisant des techniques de mesures indirectes (gravimétrie, géomagnétisme, sismologie, radar géologique, etc.). L’amélioration constante des instruments, méthodes et infrastructures telles que Résif, puis Epos-France, permet d’immenses progrès dans la connaissance de notre planète.

Les variations de gravité à la surface du globe ont plusieurs origines liées :

  • à la forme et la structure de la Terre ; ainsi elle varie en fonction de la latitude et de l’altitude, mais aussi de la répartition hétérogènes des masses à l’intérieur de la Terre ;
  • aux processus dynamiques internes et externes : marées terrestres, surcharges océaniques, pression atmosphérique, circulation océanique, cycle de l’eau (hydrologie, glaciers), mouvements du pôle de rotation, mouvements tectoniques, activité sismique ou volcanique, rebond post-glaciaire ;
  • aux activités humaines : exploitation des ressources naturelles, aquifères, réservoirs de stockage…

Différents types d’instruments peuvent être utilisés pour étudier ces phénomènes ; certains gravimètres sont dits absolus car ils mesurent la valeur exacte de la gravité, les autres sont dits relatifs, car ils mesurent des variations autour d’une valeur a priori inconnue. Il existe deux types principaux de gravimètres relatifs : les premiers dit de terrain, généralement mécanique à ressort, sont utilisés pour la prospection ; les autres sont des gravimètres supraconducteurs fixes, permettant d’étudier les variations temporelles.

Voici quelques exemples d’utilisation des données collectées par les instruments des réseaux gravimétriques permanents et mobiles de Résif, puis Epos-France, et d’autres infrastructures.

Comprendre la structure de la Terre

Toutes les techniques gravimétriques, qu’elles soient au sol (gravimètres absolus ou de terrain), aéroportées ou marines, permettent de caractériser la croûte terrestre et le manteau supérieur : son épaisseur, sa densité, la présence d’une racine crustale sous les chaînes de montagne, etc.

Par exemple, l’ONERA a développé un nouvel instrument (gravimètre atomique absolu) adapté aux mesures en mer et a cartographié la pesanteur aux larges des côtes françaises en collaboration le SHOM dans le cadre des projets GIRAFE et GIRAFE2.

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Cartographie de pesanteur à précision “atomique”

Etudier les marées terrestres

Les marées terrestres (ou marées solides) sont la principale source de variations de la gravité dans le temps, avec des amplitudes de quelques 10-6 m/s2. Elles résultent de l’attraction de la Lune et du Soleil, et des déformations de la Terre, dont les déplacements verticaux en surface sont de l’ordre de quelques dizaines de centimètres. Ces mêmes forces sont également à l’origine des marées océaniques, bien connues, qui sont des variations périodiques du niveau de la mer.

Les périodes caractéristiques des marées terrestres sont directement liées aux mouvements relatifs de la Terre, de la Lune et du Soleil. Elles sont semi-diurnes (environ 12 heures), diurnes (environ 24 heures) et plus longues (14 jours, 28 jours, une demi-année, un an, etc.).

L’étude des marées solides, enregistrées notamment par les gravimètres supraconducteurs, permet mieux comprendre les propriétés rhéologiques (élasticité ou visco-élasticité) de la Terre solide, et notamment du manteau terrestre, sur des périodes allant de quelques heures à presque 20 ans.

Suivre le cycle de l’eau sur la Terre

La gravimétrie permet de détecter des variations de masse dans les domaines temporel et/ou spatial. Une application assez récente, à l’aide des différents instruments au sol, consiste en la mesure des variations du stock en eau dans les premiers mètres du sol, lié au cycle de l’eau.

La gravimétrie est particulièrement intéressante là où les autres techniques géophysiques sont peu ou faiblement performantes, car par exemple dans les systèmes karstiques, mais aussi dans les zones montagneuses à forte couverte forestière. Parmi les zones étudiées en France métropolitaine, on peut citer le plateau du Larzac par Géosciences Montpellier, et le bassin versant du Strengbach dans les Vosges par l’EOST à Strasbourg.

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Lire l’article “La gravimétrie hybride pour cartographier la dynamique du stockage de l’eau dans un bassin versant de montagne” dans la Lettre d’information Résif n°20, décembre 2021

Etudier le cœur des volcans

Dans le cas des volcans, des mesures répétées de gravimétrie permet de déterminer les variations de masse, notamment les apports dans la chambre magmatique. En complément des autres mesures géophysiques (sismologie, déformation, etc.) et géochimiques, la gravimétrie aide à la meilleure connaissance de la dynamique des volcans et de leurs risques associés.

Etudier la fonte des glaces et le rebond post-glaciaire

Le rebond post-glaciaire est la réponse différée (visco-élasticité) de la Terre solide à la dernière déglaciation du Pléistocène (il y a 10000 ans). Cette réponse dépend de l’histoire de la glaciation et de la déglaciation (étendue, épaisseur des calottes au cours du temps) et la rhéologie de la Terre, et notamment du profil de viscosité dans le  manteau terrestre. Ce signal se retrouve notamment dans la surrection (l’élévation) de l’ordre de 1 cm/an de la Scandinavie et de l’Amérique du Nord.

La combinaison des mesures GPS et de gravimétrie (gravimètres supraconducteurs et absolus) permet de séparer les contributions induites par la fonte actuelle des glaces et le rebond post-glaciaire.

Avec le soutien de l’IPEV, l’EOST à Strasbourg effectue régulièrement des mesures de gravité absolue à Ny Alesund au Svalbard. Ces mesures, combinées aux mesures continues avec des gravimètres supraconducteurs et les différentes techniques de géodésie (GPS, SLR, VLBI et DORIS), ont permis de montrer une fonte actuelle des glaciers plus importante que prévue, mais aussi de mettre en évidence un rebond au petit-âge glaciaire (14ème – 19ème siècle).

Prospecter le sous-sol, suivi de réservoirs souterrains

Une application plus industrielle de la gravimétrie est l’imagerie de la croûte terrestre et la détection de zones plus ou moins denses, liées à la présence de minerais mais également à la présence de cavités. A petites échelles, cette prospection se fait à l’aide de gravimètres mécaniques à ressort ; à plus grande échelle, on utilise généralement des mesures aéroportées.

Toujours dans le domaine des ressources, la gravimétrie peut être utilisée pour le suivi des réservoirs géothermiques souterrains et ainsi aider à la compréhension de la dynamique de la circulation de fluide en profondeur.

Magnétotellurie-gravimétrie : la production d’électricité et de chaleur à l’aide d’une centrale géothermique repose sur une connaissance du sous-sol et des fluides présents. Ces connaissances sont validées après la réalisation d’un forage d’exploration. Elles sont fondamentales car elles peuvent réduire la viabilité économique d’un site de production, ou induire des risques lors de l’exploitation. L’objectif est donc de développer et d’utiliser des méthodes permettant d’accéder à ces informations avant la réalisation du forage © ITI-Géosciences pour la transition énergétique, Université de Strasbourg 2021 – En savoir plus

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Suivi gravimétrique sur le plateau du Larzac grâce à un gravimètre relatif de terrain © Thomas Jacob, BGM

Suivi gravimétrique sur le plateau du Larzac grâce à un gravimètre relatif de terrain © Thomas Jacob, BGM – En savoir plus.

Marie-Françoise Lequintrec-Lalancette est géophysicienne marine, spécialisée en gravimétrie. Elle travaille au Service hydrographique et océanigraphique de la marine (SHOM) à Brest. Elle est également chercheuse associée à l’Institut universitaire européen de la mer (IUEM). Dans ce cadre, elle fait beaucoup d’observations à terre et en mer à l’aide de gravimètres.

Mesures gravimétriques au Bhoutan dans le cadre du projet ANR BhutaNepal © Nicolas Le Moigne et Rodolphe Cattin (Géosciences Montpellier)

Mesures gravimétriques au Bhoutan dans le cadre du projet ANR BhutaNepal © Nicolas Le Moigne et Rodolphe Cattin (Géosciences Montpellier) – En savoir plus

Nolwenn Lesparre est chercheuse à l’Institut Terre et Environnement de Strasbourg. Elle applique des méthodes géophysiques pour imager le sous-sol afin de suivre la dynamique des variations des stocks d’eau dans le temps et dans l’espace. Elle nous présente ses travaux lors d’une journée de mesures sur le site de l’observatoire hydrogéochimique de l’environnement à Aubure, dans le Haut-Rhin, à plus de 1000 mètres d’altitude.

Frédéric Masson, professeur à l’Université de Strasbourg et spécialiste de géodésie, nous explique les objectifs, les caractéristiques instrumentales et le déroulement des mesures gravimétriques sur le terrain, dans le cadre du projet DREEM de l’Institut Terre et Environnement de Strasbourg. L’objectif de ce projet est de collecter des données sur la dynamique des stocks d’eau sur la bassin versant du Strengbach, situé dans le Haut Rhin, sur la commune d’Aubure. Les données recueillies seront utilisées pour la construction et la calibration d’un modèle reproduisant les écoulements souterrains pour comprendre la dynamique de l’évolution des eaux dans ces zones de moyenne montagne – En savoir plus